La plus belle histoire de l'amour : le Moyen Âge
Après la préhistoire et le monde romain, voici la suite de La plus belle histoire de l'amour :
Le Moyen Âge : Et la chair devint péché... (par Jacques Le Goff)
Deux clichés apparemment contradictoires construisent notre perception de cette époque : celui d'un monde féodal, brutal, viril, conquérant, et celui de l'amour courtois, du troubadour agenouillé devant sa gente dame qu'il idéalise mais ne touche pas. En fait, ces deux images cohabitent très bien, car il faut bien comprendre que c'est dans la littérature que la féminité, la chasteté, la passion sont exaltées (par exemple, dans Tristan et Iseult). La documentation dont les historiens disposent sur l'amour courtois ne leur permet pas de confirmer que cet amour a vraiment existé ; n'empêche que le modèle littéraire de l'amour courtois a laissé une trace dans la galanterie qu'il est d'usage d'exercer à l'égard des femmes. "Ce que nous savons des moeurs de cette époque-là est assez différent et ne va guère dans le sens d'une pratique courtoise entre hommes et femmes".
Après la chute de l'Empire romain et l'arrivée des barbares, la christianisation des moeurs fut très lente. "L'intériorisation des conceptions de l'Eglise dans les mentalités et les pratiques a demandé des siècles." A l'époque mérovingienne, la polygamie était encore pratiquée par l'aristocratie barbare. Jusqu'à Louis VIII (1223), les rois francs sont restés polygames.
Nous sommes très peu informés sur les pratiques des paysans (90% de la société). En ce qui concerne la noblesse, le mariage était de "convenance", réglé par le roi, premier des marieurs. A l'intérieur de la famille, les anciens orchestraient le mariage. Celui-ci était un contrat civil, échappant au contrôle de l'Eglise, passé devant un notaire et limité à l'Europe méridionale.
"Mais à partir du XIIe siècle, l'Eglise va étendre petit à petit son pouvoir sur le mariage : elle l'institue en sacrement [...] et impose son modèle : l'indissolubilité des liens et la monogamie. [...] Cette fois, le mariage chrétien réclame le consentement de chacun des époux, ce qui n'était pas le cas auparavant." Des procès ont eu lieu devant les tribunaux ecclésiastiques où les mariés réclamaient cette liberté de choix. Par cette idée révolutionnaire du consentement mutuel, le christianisme a donc fait progresser le statut de la femme. En 1215, le quatrième concile du Latran, réunissant les évêques chrétiens romains sous l'autorité du pape, rend obligatoire la publication de bans, un mois avant le mariage : le but est d'empêcher la consanguinité et de contrecarrer le poids des familles, les futurs mariés ont la possibilité d'annuler le mariage.
Le mariage chrétien étant indissoluble, on se réfugit alors dans l'adultère. L'amour courtois évoqué dans la littérature, c'est bien cet adultère.
En même temps, les Chrétiens promeuvent l'idée de virginité : le culte de la Vierge Marie s'impose à partir du XIIe siècle. En conséquence, la sexualité est de plus en plus sévèrement condamnée. Pour l'Eglise, l'exigence de pureté est justifiée par l'approche de la fin du monde. L'humanité a été engendrée dans la faute, qui caractérise tout accouplement. La chair devient un péché. Cette idée de culpabilité va fortement influencer la mentalité occidentale : pour Jacques Le Goff, "c'est l'aspect le plus négatif du christianisme. Cette doctrine va justifier la répression d'un grand nombre de pratiques sexuelles. [...] Désormais, le corps est assimilé à un lieu de débauche. Il perd sa dignité." Même dans le mariage, s'imisce cette morale antisexualité : on rédige des listes d'interdits auxquels les couples mariés doivent soumettre leurs pratiques. "Un tel contrôle de la vie sexuelle des couples mariés pèse gravement sur la vie quotidienne des hommes et des femmes de ce temps-là, et provoque des conséquences multiples sur la démographie, sur les mentalités, sur les relations entre les sexes."
Vers le XIIe siècle, une autre nouveauté apparaît : l'invention du purgatoire. Parmi les rescapés qu'il peut sauver, figurent les "fornicateurs". Le purgatoire représente un véritable espoir à une époque où l'on croit vraiment à l'enfer. Mais il ne sauve pas des pratiques illicites, comme l'homosexualité, devenue quasi hérétique.
Contre tant de contraintes, la société médiévale a réagi par le rire, la comédie, la dérision... seuls moyens de faire baisser la pression sous le couvercle de l'Eglise.
Pour conclure avec Jacques Le Goff : "cette morale chrétienne d'origine monastique, qui réprime la sexualité, va perdurer pendant de longs siècles et peser lourd sur nos mentalités. En ce sens, nous sommes tous nés du Moyen Âge. Pour le pire comme pour le meilleur."
A suivre... (l'Ancien Régime)
N.B.: Pour en savoir plus sur la situation de la femme au Moyen Age, je vous renvoie vers un texte que j'ai trouvé intéressant : ici.
Le Moyen Âge : Et la chair devint péché... (par Jacques Le Goff)
Deux clichés apparemment contradictoires construisent notre perception de cette époque : celui d'un monde féodal, brutal, viril, conquérant, et celui de l'amour courtois, du troubadour agenouillé devant sa gente dame qu'il idéalise mais ne touche pas. En fait, ces deux images cohabitent très bien, car il faut bien comprendre que c'est dans la littérature que la féminité, la chasteté, la passion sont exaltées (par exemple, dans Tristan et Iseult). La documentation dont les historiens disposent sur l'amour courtois ne leur permet pas de confirmer que cet amour a vraiment existé ; n'empêche que le modèle littéraire de l'amour courtois a laissé une trace dans la galanterie qu'il est d'usage d'exercer à l'égard des femmes. "Ce que nous savons des moeurs de cette époque-là est assez différent et ne va guère dans le sens d'une pratique courtoise entre hommes et femmes".
Après la chute de l'Empire romain et l'arrivée des barbares, la christianisation des moeurs fut très lente. "L'intériorisation des conceptions de l'Eglise dans les mentalités et les pratiques a demandé des siècles." A l'époque mérovingienne, la polygamie était encore pratiquée par l'aristocratie barbare. Jusqu'à Louis VIII (1223), les rois francs sont restés polygames.
Nous sommes très peu informés sur les pratiques des paysans (90% de la société). En ce qui concerne la noblesse, le mariage était de "convenance", réglé par le roi, premier des marieurs. A l'intérieur de la famille, les anciens orchestraient le mariage. Celui-ci était un contrat civil, échappant au contrôle de l'Eglise, passé devant un notaire et limité à l'Europe méridionale.
"Mais à partir du XIIe siècle, l'Eglise va étendre petit à petit son pouvoir sur le mariage : elle l'institue en sacrement [...] et impose son modèle : l'indissolubilité des liens et la monogamie. [...] Cette fois, le mariage chrétien réclame le consentement de chacun des époux, ce qui n'était pas le cas auparavant." Des procès ont eu lieu devant les tribunaux ecclésiastiques où les mariés réclamaient cette liberté de choix. Par cette idée révolutionnaire du consentement mutuel, le christianisme a donc fait progresser le statut de la femme. En 1215, le quatrième concile du Latran, réunissant les évêques chrétiens romains sous l'autorité du pape, rend obligatoire la publication de bans, un mois avant le mariage : le but est d'empêcher la consanguinité et de contrecarrer le poids des familles, les futurs mariés ont la possibilité d'annuler le mariage.
Le mariage chrétien étant indissoluble, on se réfugit alors dans l'adultère. L'amour courtois évoqué dans la littérature, c'est bien cet adultère.
En même temps, les Chrétiens promeuvent l'idée de virginité : le culte de la Vierge Marie s'impose à partir du XIIe siècle. En conséquence, la sexualité est de plus en plus sévèrement condamnée. Pour l'Eglise, l'exigence de pureté est justifiée par l'approche de la fin du monde. L'humanité a été engendrée dans la faute, qui caractérise tout accouplement. La chair devient un péché. Cette idée de culpabilité va fortement influencer la mentalité occidentale : pour Jacques Le Goff, "c'est l'aspect le plus négatif du christianisme. Cette doctrine va justifier la répression d'un grand nombre de pratiques sexuelles. [...] Désormais, le corps est assimilé à un lieu de débauche. Il perd sa dignité." Même dans le mariage, s'imisce cette morale antisexualité : on rédige des listes d'interdits auxquels les couples mariés doivent soumettre leurs pratiques. "Un tel contrôle de la vie sexuelle des couples mariés pèse gravement sur la vie quotidienne des hommes et des femmes de ce temps-là, et provoque des conséquences multiples sur la démographie, sur les mentalités, sur les relations entre les sexes."
Vers le XIIe siècle, une autre nouveauté apparaît : l'invention du purgatoire. Parmi les rescapés qu'il peut sauver, figurent les "fornicateurs". Le purgatoire représente un véritable espoir à une époque où l'on croit vraiment à l'enfer. Mais il ne sauve pas des pratiques illicites, comme l'homosexualité, devenue quasi hérétique.
Contre tant de contraintes, la société médiévale a réagi par le rire, la comédie, la dérision... seuls moyens de faire baisser la pression sous le couvercle de l'Eglise.
Pour conclure avec Jacques Le Goff : "cette morale chrétienne d'origine monastique, qui réprime la sexualité, va perdurer pendant de longs siècles et peser lourd sur nos mentalités. En ce sens, nous sommes tous nés du Moyen Âge. Pour le pire comme pour le meilleur."
A suivre... (l'Ancien Régime)
N.B.: Pour en savoir plus sur la situation de la femme au Moyen Age, je vous renvoie vers un texte que j'ai trouvé intéressant : ici.
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