26.7.08

Read a book !

Je suis tombée par hasard sur un vidéo-clip qui a soulevé une vive polémique aux Etats-Unis l'année dernière. Diffusé par BET, Black Entertainment Television, le vidéo-clip satirique nommé Read a book a été interprété par la communauté afro-américaine comme une insulte raciale reprenant uniquement des stéréotypes négatifs sur les Noirs.
L'auteur de la chanson, Bomani "D'Mite" Armah, s'en défend, pour lui il s'agissait plutôt d'épingler les stéréotypes véhiculés dans les clips de hip-hop commercial, qui ont oublié leur vocation première, l'éducation de la jeunesse. Il faut dire que la non-culture est de plus en plus à la mode !
Pour ma part, le clip ne m'a pas spécialement choquée et j'ai tout de suite compris qu'il était à prendre au 2e... voire 3e degré. Je l'ai d'ailleurs trouvé plutôt drôle et réussi. Bien sûr, assez osé et provocateur... C'est un peu toujours le même problème avec la satire, ceux qui ne la comprennent pas se sentent visés et blessés.



Le vidéo-clip (non censuré) a tout de même été vu plus de 3 millions de fois sur YouTube. On peut retrouver une émission de CNN qui réduit la polémique à la question des images "choquantes" qui ne peuvent pas être comprises par des "enfants". Et un "cartoon", par définition n'est-ce pas, c'est pour les enfants ! Du coup, il y a eu une nouvelle version censurée du clip (à la fois gros mots et images), une "clean version" pour les plus jeunes.
Apparemment, la polémique tournerait aussi autour du fait que BET n'est pas la chaîne la mieux placée pour donner ce genre de leçons, puisqu'elle-même diffuse les clips de rap très commercial et vide de messages. J'ai même pu retrouver une vidéo d'une manifestation organisée contre BET !
D'Mite se considère comme un poète qui utilise la musique hip-hop pour délivrer des messages, mais "pas un rappeur", d'où le nom de son site officiel : notarapper.com. Pour plus de vidéos allez voir aussi sa page You Tube.

12.7.08

Happy-go-lucky, une invitation à prendre la vie du bon côté

Après une filmographie plutôt grave, sinon dramatique, c'est avec une certaine curiosité que j'ai découvert le dernier film de Mike Leigh au festival Paris Cinéma, une comédie légère qui redonne du baume au coeur.
Pauline, alias Poppy, jeune londonienne de trente ans, est contente avec sa vie ("happy with her life"). Pétillante et fantaisiste, lançant des plaisanteries à tout-va, elle profite de son boulot d'institutrice, de sa colloc, de ses soeurs, copines et collègues, et prend la vie comme elle vient.
Lorsqu'on lui vole son vélo, au lieu de s'énerver, elle est plutôt triste de ne pas avoir eu l'occasion de "lui dire aurevoir". Et elle décide de commencer des cours de conduite. Elle tombe sur un moniteur peu enclin à rire de ses plaisanteries : agressif, pessimiste, faisant des réflexions douteuses sur l'éducation et le multiculturalisme, il est l'opposé total de son élève. Les cours de conduite se transforment alors en cauchemar (et font paraître les miens comme une partie de plaisir !).
Comme à son habitude, Mike Leigh livre des personnages authentiques et attachants, malgré leurs défauts. Je n'ai jamais rencontré de Poppy dans ma vie, mais le film donne envie d'y croire. On rit de son caractère, de son rire communicatif, de ses maladresses et de ses blagues.
Mais Poppy est loin d'être idiote, elle perçoit tout de suite la détresse chez les autres et a envie de les aider. Que ce soit, le moniteur qu'elle souhaiterait voir sourire, son élève violent qui tape ses camarades ou un SDF déboussolé. Cette générosité toute naturelle ne la rend que plus touchante à nos yeux.
Son principal défaut : son inconscience des risques qu'elle prend, son manque de prudence parfois. "Happy-go-lucky" veut bien dire "insouciant" (Le titre donné par le distributeur français, "Be happy", enlève tout son sens au titre original...).
Si le film a une limite, c'est qu'il repose peut-être trop entièrement sur la description d'un seul personnage, de sa personnalité et de sa vie, et qu'il ne creuse pas trop les différentes histoires possibles. L'interprétation de Poppy a d'ailleurs valu à Sally Hawkins l'Ours d'argent de la meilleure actrice au dernier festival de Berlin.
Le comédie de Mike Leigh, qui sort en salles le 27 août, est une invitation à profiter du bonheur à portée de main et à saisir sa chance au bon moment.

9.7.08

Romantique, la Seine


7.7.08

A la recherche d'Isabelle...

Rien de tel qu'un projet "cinéma" pour donner du piment à la vie. Alors, quand Nathako me demande de l'aide pour le casting d'une actrice française pour un long métrage coréen, ce n'est pas de refus. Le personnage : Isabelle, femme de l'ambassadeur français au début du 19e siècle, médecin et peintre, amie de l'impératrice. Deux journées de rencontres intéressantes, de surprises parfois et d'observation toujours. Mais aussi, deux journées de pratique de la vidéo et de la photo (le réflex numérique est tombé à point...), avec ses coups de frayeur et ses moments de fierté.
Je n'ai évidemment pas le droit d'utiliser l'image des actrices ici... Donc, je me contenterai de la salle, qui se trouve du côté de Belleville au fond d'une petite cour.





Photo 1 : Nathako (recadrée par Doris)

3.7.08

La Soledad

La Soledad, le film espagnol de Jaime Rosales ayant remporté 3 Goya (dont celui du meilleur film et celui du meilleur réalisateur), raconte la vie de deux femmes, Adela et Antonia, et de personnages secondaires qui gravitent autour d'elles pour les influencer ou les soutenir. Elles ne se croisent jamais dans le film, leur seul lien est Inès, colocataire d'Adela et fille d'Antonia. Leur point commun, c'est qu'elles sont toutes deux amenées à faire un choix décisif à un moment de leur vie.
Le choix d'Adela : quitter sa petite ville de province, où elle vit avec son bébé, entourée de son père et du père de son bébé (avec qui elle n'est plus), pour commencer une nouvelle vie à Madrid. Elle trouve facilement un travail et un appartement qu'elle partage avec deux colocataires sympathiques. C'est alors qu'un attentat terroriste brise sa vie, en prenant celle de son bébé. Le sentiment de culpabilité la fait revenir sur sa décision première : et si elle n'était pas partie à Madrid ?
Antonia, propriétaire d'un petit supermarché à Madrid, mène une vie tranquille, entourée de son compagnon et de ses trois filles. Alors qu'elle accompagne l'une de ses filles à travers une opération douloureuse pour soigner un cancer, sa fille aînée lui demande de l'argent pour s'acheter une maison de campagne. Elle décide alors de vendre son appartement de Madrid pour cohabiter avec son compagnon : une décision qui va mettre le désordre dans l'harmonie familiale, en créant la discorde entre ses filles.

Le film est très original par sa forme, ses choix esthétiques, qui soutiennent le scénario - dans lequel les dialogues jouent un rôle prédominant sur toute action. Il propose une nouvelle approche esthétique autour de l'espace et du temps.
D'abord, la composition des plans : dans les très nombreuses séquences d'intérieur, murs, portes, fenêtres et objets segmentent et structurent l'espace. Le réalisateur joue avec la profondeur de champ mais aussi le hors-champ, en positionnant souvent sa caméra à l'ouverture des portes. Ajoutez à cela, l'intéressante utilisation du split-screen, pas systématique mais en alternance avec des plans "entiers". Ce format de vision occupe environ un tiers du film. Souvent, les deux visions proposées par le split-screen offrent deux angles de la caméra diamétralement opposés dans la même pièce. Il divise totalement l'espace et induit une perte de repères pour le spectateur. Une autre utilisation, assez intéressante, est de filmer les dialogues de 2 personnages avec 2 gros plans juxtaposés, l'un de face (donc presque en regard caméra) et l'autre de profil (à la perpendiculaire). Cette méthode est utilisée dans des séquences où les personnages rencontrent des difficultés de communication : l'écran divisé transcrit cette différence de points de vue. Le réalisateur explique : "Chaque partie correspond à un point de vue différent sur une même scène. Derrière ce procédé et les règles que nous lui avons appliquées il y a l'idée de créer un code dont la fonction est d'apporter une perception distincte à celle induite par un format classique. Le défi et la difficulté ont été d'obtenir une certaine distanciation et une rupture vis-à-vis de la lecture habituelle sans que cette rupture ne soit un frein à l'émotion".

Ensuite, la durée. Les séquences d'intérieur sont très longues, les discussions se font autour de la cuisine, du repassage, du repas ou d'une partie de cartes. De manière anodine, naturelle, des tensions se font et se défont entre les personnages. Les liens familiaux, amicaux et amoureux sont illustrés dans toutes leurs variations, de la complicité, du chagrin, de la jalousie, de la rancoeur... Mais il y aussi les moments de solitude ("La Soledad"...), qui prennent aussi un certain temps. Ces moments correspondent à des séquences où Antonia ou Adela sont réellement seules, que ce soit sur un banc, au travail ou après la douche. Ce sont souvent des moments d'absence, de "non-dialogue" où le spectateur sent une certaine émotion à se retrouver seul avec le personnage et à deviner ses réflexions intérieures.
Au cours du film, des événements plus ou moins marquants vont affecter Adela et Antonia et les mener de la joie à la tristesse (pour faire bref). La mort fait son irruption, bruyante et violente pour l'une, silencieuse et solitaire pour l'autre. Mais toujours au moment le plus anodin de la vie quotidienne. Ce que réussit Jaime Rosales, c'est justement de prendre des moments de la vie quotidienne et d'en proposer une nouvelle perception. D'habitude, les films qui portent sur le réel ont tendance à effacer le regard de la caméra, à réduire les effets esthétiques pour donner entière place au sujet. Ici, le réel est transcendé par son regard (ou ses regards). Le sens du film naît de son esthétique.