29.12.06

Noël en famille


Je viens de passer une semaine de vacances à Athènes. C'est toujours trop court pour les autres et largement suffisant pour moi. J'ai apporté pas mal de choses à faire chez mes parents, dans le genre petits travaux sur l'ordinateur, sur photoshop et word. Remis à jour mon CV pour la recherche de stage qui s'annonce à la rentrée. Regardé quelques films : Le baiser du tueur (Kubrick), Les Lumières de la ville et Le cirque (Chaplin), Chantons sous la pluie (Donen), Don Camillo Monseigneur (avec Fernandel), Le Sortilège du Scorpion de Jade (Allen), Full Metal Jacket (Kubrick). J'ai aussi vu un film grec au cinéma, Uranya de Kostas Kapakas, un film qui nous ramenait à 1969 (sur fond de dictature des généraux) dans un petit village grec, où un groupe de garçons récolte un butin d'argent et hésite entre s'offrir une belle prostituée nommée Uranya ou une télévision pour regarder le premier pas de l'homme sur la lune.
On m'a reproché d'être souvent absente mais est-ce curieux ? je pense à tout ce que j'ai à faire quand je suis à Paris, cela ne change pas quand je suis à Athènes. Je me repose tout en ayant en tête les échéances à venir.
Une petite excursion pour la Belgique s'annonce pour le Nouvel An. De quoi vraiment se changer les idées pendant trois jours. Je publierai des photos à mon retour ! A bientôt, et bonne année à tous !

24.12.06

Jehro, pour une ambiance douce et feutrée

Le premier album de Jehro, une de mes autres découvertes Taratata, a été l'un des cadeaux que je me suis offerts pour Noël. Idéal pour les vacances, il permet de créer une ambiance sereine, reposante, loin du stress du quotidien et du travail.
C'est un album doux, chaleureux et sans prétention, qui mélange les rythmes du reggae et les tonalités hispaniques avec des chansons plus mélodieuses qu'entêtantes (comme parfois on pourrait reprocher à certains airs de reggae). Les guitares et les percussions apportent un son naturel, comme si les morceaux étaient créés à partir de quelques morceaux de ficelle.
L'album de Jehro fait aussi un hommage aux anciens, avec notamment une reprise de Stevie Wonder (Master Blaster) et des airs qui nous rappelent Bob Marley. On a du mal à reconnaître la nationalité de ce Français qui adopte l'anglais et mais aussi l'espagnol dans ses chansons (et sans accent !). L'album a l'air d'avoir été pensé pour un public plus large que le public strictement hexagonal, et c'est tant mieux pour nous.
Voir le site officiel.

15.12.06

Il était une fois le cinéma, la passion du cinéma de qualité

...et mon projet de fin d'année.
Eh oui ! ça fait déjà deux mois que j'ai commencé à collaborer au site iletaitunefoislecinema.com, ce qui explique partiellement le fait que j'ai déserté mon propre blog. Une autre explication, c'est que je n'ai plus beaucoup de temps pour faire des sorties intéressantes... Sauf dernièrement où je suis allée un peu plus souvent au cinéma, pour voir Little Miss Sunshine (enfin !), The Last Show, Babel et Une jeunesse comme aucune autre. Mais alors, je n'ai toujours pas eu le temps d'écrire sur ces films...
Pour revenir au site iletaitunefoislecinema.com, il est composé principalement de trois parties. D'abord, nous publions des critiques courtes sur des films d'actualité, sur des reprises en salles ou sur des sorties DVD. Chaque mercredi une nouvelle sélection de films est proposée. Nous publions également des études longues : des chroniques et des mémoires de cinéma, généralement proposés par des étudiants suivant la formation Etudes cinématographiques et audiovisuelles à l'université, ou quelques fois des enseignants de cette filière. C'est un peu ce qui différencie le site des autres webzines consacrés au cinéma. Enfin, le site comporte une large base de données de films, qui communique également avec une base de données d'artistes.
Pour ce qui est de mon projet de fin d'année, il s'agit prioritairement de rendre plus pratique le module d'administration. La mise en ligne des études, qui nous prend un temps fou, doit être facilitée. Il faudrait aussi que les trois parties - critiques, études, base de données - communiquent mieux entre elles, par un réseau de liens.
Mais il comprend aussi d'autres aspects : refonte de la page d'accueil - cela vient d'être effectué cette semaine, mais quelques points restent à être discutés -, création de l'identité visuelle et d'un logo stylisé, détermination des standards de mise en ligne et remise aux normes du tout... et j'en oublie certainement.
Ce que je pourrais dire pour conclure, c'est que ce projet me tient de plus en plus à coeur, au point parfois de délaisser tout le reste. Je m'y implique peut-être trop, mais c'est un peu le problème avec tout projet associatif où l'aspect humain et affectif est important. L'avantage, c'est qu'il me permet de réconcilier mon ancienne passion - le cinéma - avec ma nouvelle passion - le multimédia.

27.11.06

Découvertes cinématographiques québécoises

A force de parler du Québec et de rêver du Québec en tant que possible projet d'avenir, cela donne envie d'en savoir plus sur la culture francophone de cette région du Canada. Alors, le Festival "Cinéma du Québec à Paris" tombe à pic. Il fête son 10e anniversaire cette année, mais je n'en avais pas entendu parler avant. Et jusqu'ici je pense n'avoir vu que trois films québécois en tout et pour tout : Les Invasions Barbares de Denys Arcand, La moitié gauche du frigo de Philippe Fallardeau, et C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée. Il faut dire que la distribution de films québécois est malheureusement bien peu développée en France...

Le premier film que je suis donc allée voir au Festival est La vie secrète des gens heureux, de Stéphane Lapointe, une comédie dramatique qui m'a attirée par son titre évocateur (site officiel ici). Il s'agit de l'histoire d'une famille presque parfaite, dont l'équilibre est perturbé par l'irruption d'une jeune femme mystérieuse et séductrice. Ce thème de la famille semble décidément au coeur des films québécois ! L'histoire vacille constamment entre légèreté et drame et est desservie par des acteurs exceptionnels qui lui apportent une épaisseur psychologique. Comme dans C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée, Stéphane Lapointe nous emporte aussi dans les rêves et les projections imaginaires des personnages, qui nous révèlent leurs obsessions et leurs angoisses, et qui sont subtilement mêlés à la réalité.
Un film touchant qui nous rappelle qu'il n'y a pas de recette pour être heureux - à chacun d'employer les moyens qui lui semblent bons pour y parvenir. Comme le fait judicieusement remarquer une critique du film que j'ai lue (ici), la séquence finale, projection imaginaire dans le bonheur à venir du jeune homme, Thomas, visant à donner une fin heureuse au film, malgré la décomposition de la famille, est sans doute de trop. Terminer sur une note un peu plus dramatique aurait permis au spectateur de mieux réfléchir et de ne pas sortir de la salle l'esprit soulagé par ce pseudo-dénouement.

Le deuxième film, que je suis allée voir samedi soir avec Collin, s'intitule Bon cop, bad cop, réalisé par Erik Canuel. C'est une comédie policière divertissante, qui a battu les records du box-office québécois ET canadien, comme nous l'a fièrement rappelé le producteur en début de séance.
Au niveau de l'histoire, rien de bien nouveau : la recherche d'un tueur en série par deux policiers, l'un de Montréal, l'autre de Toronto, obligés de collaborer sur l'enquête. Une sorte de Bad boys version canadienne. Et des procédés stylistiques de ce genre de films : actions accélérées, musique appuyant le suspense ou le rythme soutenu, gros plan sur les visages des personnages et explosions... Le principal intérêt résidait dans l'humour décapant des situations ou des répliques. La salle, mi-parisienne mi-québécoise, éclatait de rire si souvent !
Les deux protagonistes, aux antipodes l'un de l'autre - le francophone spontané et aux méthodes douteuses, l'anglophone élégant et respectant la procédure - finissent par s'entendre et se compléter. L'histoire vacille constamment entre les deux langues et les deux univers, ce qui constitue l'originalité du film. Bref, il y a de quoi passer un bon moment de divertissement pur.

Le troisième film que j'ai vu, Kamataki de Claude Gagnon, est d'un tout autre genre : calme, il s'installe dans la durée, dans la beauté, et fait même des incursions dans la philosophie. L'intrigue du film se déroule entièrement au Japon (excepté les deux premiers plans). Le réalisateur y a passé dix ans de sa vie.
L'histoire : Après une tentative de suicide, Ken-Antoine, 22 ans, est envoyé par sa mère au Japon chez son oncle Takuma, un potier sexagénaire très respecté. D'abord indifférent aux coutumes locales, Ken se laisse peu à peu séduire par l'art ancestral dont son oncle est l'héritier. Toutefois, le comportement volage de Takuma, qui vit avec sa femme et la veuve de son ancien maître tout en multipliant les conquêtes, choque le jeune homme, plutôt timoré sur le plan sexuel. Toutefois, sa perspective change lorsqu'il succombe aux charmes de l'assistante américaine de son oncle, avec qui il entame le «kamataki», exigeant rituel de cuisson des pots, d'une durée de dix jours.
On découvre le Japon à travers le regard de ce jeune homme canadien désemparé (interprété avec justesse par Matt Smiley), qui retrouve peu à peu sa curiosité, son énergie et son goût de vivre, aux côtés de son oncle (Tatsuya Fuji, l'acteur de l'Empire des sens et de l'Empire de la passion, de Nagisa Oshima). Une attention particulière est donnée à la matière et aux formes : les intérieurs japonais sont d'une belle simplicité, les paysages verdoyants respirent la tranquilité. On retrouve les belles choses de la vie, la nature - à travers ses éléments comme la pluie, le feu -, l'art - à travers l'artisanat mais aussi la musique - et aussi, surtout ! le désir et l'amour qui sont vécus très simplement, sans préjugés et sans interdits, comme un don de la vie.
Kamataki est un vrai plaisir visuel, sensuel et poétique. Sans doute le plus artistique de la série, pour terminer en beauté ces découvertes cinématographiques. A l'envie de découvrir le Québec vient s'ajouter celle de découvrir le Japon...
Sur le très beau site officiel, on en apprend davantage sur le film mais aussi sur la technique du kamataki.

19.11.06

Scoop, pour rire de la mort

Remplacer un cours de réseaux (informatique pure et dure) par une séance de cinéma divertissante, quoi de plus agréable au cours d'une semaine de travail intensive. Merci Woody ! Dans Scoop, comme dans Match Point, nous sommes à Londres en compagnie de Scarlett Johanson, la nouvelle muse du cinéaste. Mais il s'agit cette fois d'une comédie légère et croustillante, avec la présence de Woody Allen à l'écran dans le rôle d'un magicien, qui bégaie et gesticule comme il en a l'habitude dans la plupart de ses comédies.
L'histoire : L'enquête du célèbre journaliste d'investigation Joe Strombel, consacrée au "Tueur au Tarot" de Londres, tourne court quand il meurt de façon aussi soudaine qu'inexplicable. Mais rien, pas même la mort, ne peut arrêter Joe. A peine arrivé au purgatoire, il décide de transmettre ses toutes dernières informations à la plus charmante des étudiantes en journalisme : Sondra Pransky. De passage à Londres, Sondra entend le fantôme de Joe s'adresser à elle durant un numéro de magie de l'Américain Splendini, alias Sid Waterman. Bouleversée et folle de joie à l'idée d'avoir déniché le scoop du siècle, l'effervescente créature se lance avec Sid dans une enquête échevelée, qui les mène droit au fringant aristocrate et politicien Peter Lyman. Une idylle se noue en dépit de troublants indices semblant désigner le beau Peter comme le "Tueur au Tarot". Le scoop de Sondra lui sera-t-il fatal ?
A travers cette comédie policière, je dois dire que ce qui m'a le plus marqué c'est à quel point on peut rire de la mort ! Entre le journaliste - ou plutôt son esprit - qui est ressuscité pour transmettre le "scoop", la Mort avec sa faux qui apparaît dans une mise en scène théâtrale du purgatoire, ou d'autres gags visuels et sonores (l'accident final, mais je n'en dirai pas plus pour ceux qui n'ont pas vu le film...), Woody Allen multiplie les allusions osées sur un thème qui n'est... plus grave du tout. Il réussit également à éviter toute forme d'images violentes alors qu'il traite d'un tueur en série...
Enfin, il nous donne à voir les choses les plus incroyables et invraisemblables avec le plus grand naturel... comme une évidence.

7.11.06

L'année des millions, un roman de Chine Lanzmann

J'ai mis plus de temps à trouver ce roman en librairie qu'à le lire. Il n'est plus commercialisé à la Fnac mais il est tout à fait possible de le commander sur Internet. J'étais chargée de le lire et d'en faire une présentation orale, sur la thématique "Les récits des entreprenautes", ceci dans le cadre d'un cours sur l'organisation du travail dans les nouvelles entreprises (celles dédiées aux nouveaux médias comme Internet).
C'est sûr que ça change de la littérature que j'ai lu dernièrement. D'un style humoristique et direct, souvent oral, Chine Lanzmann nous raconte comment, en 1999 avant l'explosion d'Internet en France, elle a créé sa start-up, un site féminin, avec une amie aussi passionnée d'Internet qu'elle, et comment elles ont vécu cette année d'euphorie mais aussi de folie spéculative avant la chute de la bourse et la désillusion qui l'accompagne...
Un livre qui permet de se faire une petite idée de cette période pleine de promesses et d'espoir, sans rentrer dans des détails d'experts : il s'agit bien d'une oeuvre de fiction, comprenant toute une partie de romance amoureuse, même s'il s'appuie sur l'expérience réelle de Chine Lanzmann. On suit donc pas à pas l'aventure de la création d'entreprise et du lancement du site, jusqu'aux premières difficultés, liées au management et à des visions opposées des deux associées, puis à des problèmes de financement, dûs à la frilosité des investisseurs à partir du moment où le Nasdaq a amorcé sa chute en mars/avril 2000...
On trouve aussi des thèmes qui caractérisent la nouvelle économie : le floutage des barrières entre vie professionnelle et vie privée (l'associée de la narratrice entretient une relation amoureuse avec l'investisseur...) ; la volonté de devenir riche, et vite, le plus vite possible, dans une sorte de mouvement mégalomane qui se détache finalement de la réalité ; l'influence de certaines personnalités qui incarnent la réussite, comme Steve Jobs ou une autre entrepreneuse américaine qui a aussi lancé un site féminin juste avant elles ; la (sur)médiatisation du phénomène des start-up, qui a rendu les premiers entreprenautes célèbres.
Et pour en savoir plus, un article donne la version vraie et non romancée de la fin de l'histoire... ici.
Chine Lanzmann a su rebondir vers d'autres projets, notamment un livre dans lequel sont compilées 200 "Nouvelles Idées de Business pour devenir entrepreneur de sa vie", trouvées à l'étranger et à lancer en France... Un livre auquel, cette fois, je pourrai me référer tranquilement pour élargir ma réflexion et éventuellement mes ambitions...
Chine Lanzmann tient également un blog ici.

5.11.06

Le cinéma expressionniste allemand

Tout comme l'exposition sur Almodóvar reflétait l'univers cinématographique du cinéaste, l'exposition de la Cinémathèque française sur le cinéma expressionniste allemand a été conçue pour suggérer les grandes lignes caractéristiques du courant qui s'est développé dans certains films du cinéma allemand dans les années 1920. Des couleurs sobres, une lumière tamisée projetant des formes géométriques sur les tableaux, des films muets ou parlants projetés sur des écrans en verre suspendus...
Les différents espaces qui structurent l'exposition correspondent à cinq thèmes du cinéma expressionniste allemand : la nature, intérieurs, la rue, escaliers, le corps expressionniste.
Comme l'indique la fiche de présentation de l'exposition, "On voit ainsi ce qui constitue les caractéristiques du cinéma muet allemand : la veine expressionniste avec ses différentes directions, notamment vers l'abstraction ; son style décoratif proche du cauchemar ; sa passion pour les jeux d'ombres et de lumière et la maîtrise technique, stylistique, philosophique, dont il fait montre.(...) Le résultat de la symbiose entre art, architecture, lumière et film est unique et constitue l'un des moments les plus forts de l'histoire et de l'esthétique du cinéma."
L'exposition comprend des pièces de la collection rassemblée pour la Cinémathèque, depuis le début des années 1950, par Lotte H. Eisner, Allemande exilée en France au moment de l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Elle a retrouvé les principaux Filmarchitekte et a obtenu qu'ils confient leurs oeuvres à la Cinémathèque française : c'est ainsi qu'elle est parvenu à rassembler la plus belle collection au monde qui existe actuellement sur les décorateurs du cinéma allemand. Lotte H. Eisner est aussi l'auteur de l'ouvrage de référence L'Ecran démoniaque, dont de nombreux extraits accompagnent les légendes des oeuvres présentées. Parmi les plus de 150 dessins originaux, on citera ceux réalisés par les plus grands décorateurs pour le Cabinet du Docteur Caligari (Robert Wiene), Faust (F.W. Murnau), M le Maudit, Metropolis, Mabuse le joueur (Fritz Lang), L'Ange bleu (Joseph Von Sternberg), Le Cabinet des figures de cire (Paul Leni), La Rue sans joie (G.W. Pabst)...
Dans le dossier de la Cinémathèque consacré à l'exposition (ici), on peut découvrir les biographies et certaines des oeuvres de ces Filmarchitekte (décorateurs) :

Andrej Andrejew, Raskolnikov de Robert Wiene (1923)
Otto Erdmann, La Rue sans joie de Georg Wilhelm Pabst (1923)
Otto Hunte, Metropolis de Fritz Lang (1927)
Paul Leni, Le Cabinet des figures de cire de Paul Leni (1924)
Walter Schulze-Mittendorff, Le Testament du Dr Mabuse de Fritz Lang (1932)

Et pour ceux d'entre vous qui n'habitent pas à Paris pour visiter l'exposition (jusqu'au 22 janvier 2007), la Bibliothèque du film a créé un beau site web dynamique, entièrement consacré à l'Expressionnisme allemand :
http://cinema.expressionnisme.bifi.fr/.
De quoi faire une belle visite virtuelle !

4.11.06

Plongée au coeur de l'expressionnisme allemand : la peinture

Hier, je me suis fait une journée intensive sur l'expressionnisme allemand. D'abord, nous avons visité avec Nath l'exposition présentée à la Cinémathèque française, axée sur les films expressionnistes. Ensuite, il y avait une soirée thématique sur Arte, avec un documentaire sur l'expressionnisme allemand, dans l'art plus généralement avec une plus importante partie laissée à l'art pictural. Et enfin, pour clôturer la soirée en beauté, j'ai pu voir ce chef d'oeuvre qu'est Le testament du docteur Mabuse de Fritz Lang, un cinéaste majeur dont je connais davantage la période américaine.
Mais pour que ce soit plus cohérent, je ne vais pas respecter la chronologie de ma journée et plutôt m'intéresser à la logique historique : 1) le mouvement pictural de l'expressionnisme et le contexte de son développement ; 2) le cinéma expressionniste ; 3) les influences de l'expressionnisme avec un illustre exemple de film.

Le documentaire de Stan Neumann sur Arte, retraçait donc l'histoire du mouvement artistique, de ses origines avant la Première Guerre mondiale, jusqu'à l'exposition "Art dégénéré" organisée par le parti nazi en 1936.
Sous Guillaume II, l'art officiel doit obéir aux "lois de la beauté" et concourrir au "sentiment de l'harmonie". Les artistes qui peignent la laideur sont des dégénérés supérieurs, des "criminels du pinceau". A l'avant-garde du mouvement expressionniste se trouvent le fameux Cri d'Edvard Munch (1893) ou encore Autoportrait la bouche ouverte de Max Beckman (1901).
Quelques années plus tard se développe l'expressionnisme pictural. La première vague comprend deux groupes :
- Die Brücke (le pont) est formé par des étudiants à Dresde, en 1905. Ils font preuve d'un anarchisme bohème et d'une volonté de se libérer des conventions sociales. Les jeunes expressionnistes, Kirchner, Heckel, Schmidt-Rottluff, Nolde et Mueller, renoncent à la ressemblance et à la perspective et préfèrent transcrire l'expression de la vision intérieur de l'artiste. Ils s'inspirent des Fauves et de Matisse, ainsi que des arts d'Afrique et d'Océanie.
Voici une oeuvre de Heckel (1913):
Et deux oeuvres de Kirchner :
- Der Blaue Reiter (le cavalier bleu) est un deuxième groupe fondé à Münich en 1910, par Franz Marc et Wassily Kandinsky, rejoints par Paul Klee. Les peintures animalières de Franz Marc, et notamment ses Grands chevaux bleus (1911) lui ont vallu d'être considéré comme un "artiste dégénéré" par les autorités. Mais la revue Der Sturm fait la promotion de ces artistes et fait entrer le terme "expressionnisme" dans le langage courant. Le groupe découvre l'abstraction : exemple avec Les tâches noires (1923) de Kandinsky. Le style de ce groupe est moins brutal, plus harmonieux, mais il a une existence éphémère.

Une deuxième vague d'expressionnisme, plus torturé, plus macabre, naît à Berlin. Les oeuvres des artistes Ludwig Meidner, Georg Grosz et Otto Dix expriment la force chaotique et l'énergie d'une grande métropole. Des oeuvres comme La ville en feu de Meidner (1913) et Explosion de Georg Grosz adoptent un nouveau traitement de la perspective, avec des angles aigüs. Elles ont directement influencé les films expressionnistes.
La première guerre mondiale influence les expressionnistes, qui voient en elle la poursuite de leur mouvement par d'autres moyens. Ils l'accueillent avec un certain soulagement... Des oeuvres la transcrivent : Hommage à Oscar Panizza de Grosz (1917) et La nuit de Max Beckman (1919).

Avec la fin de la guerre en 1918, Guillaume II est renversé. Ludwig Meidner lance un appel contre le Bourgeois : cette révolte anti-bourgeoise deviendra une thématique récurrente dans l'expressionnisme. L'expressionnisme suscite une vague d’enthousiasme dans la République de Weimar. Mais, les affiches expressionnistes sont incomprises par les masses populaires, les travailleurs.
Alors l'expressionnisme conquiert de nouveaux terrains, du côté des architectes. Ils deviennent des architectes imaginaires, sur papier. Ils créent des projets irréalisables mais réjouissants par leur imagination. Certains d'entre eux vont donc se rapprocher du milieu du cinéma, en proposant de créer les décors de films. Le cinéma prend le relai de la peinture et du dessin...

A partir de 1921, Otto Dix établit la connection entre réalité et abstraction avec ses tableaux sur les invalides de guerre, et lance « la nouvelle objectivité », un courant post-expressionniste. Exemples :

Pour conclure sur cette partie picturale sur l'expressionnisme allemand, il faudrait enfin commenter le rapport entre les artistes expressionnistes et le parti nazi, créé en 1920. Des peintres sympathisent avec ce mouvement et vont jusqu'à y adhérer, comme Emil Nolde. Mais les nazis n’aiment pas leur peinture et cette « liberté de représenter autrement ce que tout le monde est censé voir pareil ». Pour Hitler, « la mission de l’art n’est pas de montrer l’homme sous l’image de la dégénérescence mais de combattre la degénérescence ». Adolf Ziegler a été chargé par le parti nazi de saisir ces œuvres interdites depuis 1933. La première exposition fondée sur la haine a été mise en place en 1937 : ce fut la plus grande exposition expressionniste de tous les temps. Elle fut montée à Munich puis fit le tour des villes allemandes... Une manière de dénoncer et de pointer du doigt cet "art dégénéré", mais qui en même temps lui offrait une chance inouie d'être vu par tous !

Et pour en savoir plus, Arte a concocté un dossier complet sur cette soirée "Théma" : http://www.arte.tv/expressionnisme

28.10.06

Sites web d'artistes

En cours de graphisme, on ne fait pas que l'apprentissage des logiciels, on évoque également certains artistes et pour nous faire une petite idée on cherche toujours ce qu'ils font sur la toile.
C'est ainsi que j'ai découvert l'oeuvre de Robert Combas et son site, www.combas.com.

I am greedy man
On peut y voir ses oeuvres (peintures, sculptures, oeuvres sur papier et habits peints), les acheter (pour les porte-feuilles très bien garnis) ou les envoyer en cartes postales, par mail ; ou passer en revue ses oeuvres réalisées sur commande. Le beau livre qui lui est consacré est également présenté ; à commander sur le site de la Fnac...
Une petite visite donne un bon aperçu de la promotion que peut faire Internet à un artiste : c'est un lieu d'exposition permanent, même si, je le concède, voir les oeuvres en vrai est quand-même important pour les apprécier et éventuellement avoir envie de les acquérir.

Un deuxième site qui n'a rien à voir avec le premier, si ce n'est qu'il a été créé par un groupe d'artistes, est le site du Supermarché Ferraille : il propose des produits de consommation courante détournés, afin de dénoncer la consommation à outrance. Tout est dans la dérision et l'ironie. Que ce soit pour les produits - avec un coup de coeur pour les sex spaghetti, aphrodisiaques, et pour les champignons mexicains, hallucinogènes - ou la carte Advantage qui permet de "régler vos achats, payables en 4 fois, en une seule fois seulement, mais également d'ouvrir les portes comme dans les séries télévisées américaines". Ou encore, la bannière publicitaire animée qui fait du détournement de publicité et la présentation générale du site fréquenté par quelques insectes qui se baladent tranquilement entre les rayons !... Allez y faire un tour... vous allez vous amuser...

22.10.06

L'Immeuble Yacoubian

L'Immeuble Yacoubian est à l'origine un livre de l'Egyptien Alaa El Aswany qui a connu un grand succès dans le monde arabe (édité en 2002 par l'Université américaine du Caire), et qui ensuite a été adapté au cinéma par Marwan Hamed en 2005, mobilisant de nombreux moyens et des acteurs célèbres. Le livre n'a été traduit en français que cette année, sa publication coïncidant avec la sortie du film dans les salles françaises en août dernier.
J'ai connu l'un et l'autre par un simple concours de circonstances, mais la coïncidence la plus amusante, c'est que j'ai commencé à lire le livre le jour même où on décidait de le voir ensemble en salle avec Nath. Je dois dire que, a priori, l'histoire avait tout pour attiser notre curiosité :
Construit en 1930 en plein coeur du Caire, l’immeuble Yacoubian est le vestige d’une splendeur révolue.
Aujourd'hui, à travers les chemins des habitants qui s'y croisent, se dessine un portrait sans fard de l'Egypte moderne, où se mêlent corruption politique, montée de l’islamisme, fracture sociale, absence de liberté sexuelle et nostalgie du passé. Le portrait d’une société complexe et colorée, surprenante et attachante.
Effectivement, le film (site officiel français) est une fresque de presque trois heures qui passent à une allure folle tant on s'attache aux différents personnages qui nous sont décrits. On suit leurs tracas quotidiens et leur lente évolution au fil du temps ; les causes et les conséquences de leur personnalité et de leurs actes - nostalgie, pudeur, séduction, foi, ouverture d'esprit, affairisme, (mal)honnêteté... - sont finement analysés. A des moments de légèreté et d'humour répondent des moments plus dramatiques ; comme dans la vraie vie. La qualité de l'interprétation et des dialogues donne une épaisseur psychologique à chacun des personnages, qui, aussi curieux que cela puisse paraître, m'ont fortement rappelé les Grecs et renvoyé à mes origines.
En effet, je ne me rendais pas compte à quel point les personnes, que ce soit par leur faciès ou par leur mentalité, pouvaient se rapprocher : les cultures grecque et égyptienne sont toutes les deux au croisement entre l'Occident et l'Orient, puisant leur richesse dans cette rencontre de civilisations (la seule différence de taille étant la religion). Par exemple, on retrouve une chanson d'Edith Piaf à côté de mélodies orientales... Je me suis donc paradoxalement sentie très proche de l'univers de l'Immeuble Yacoubian et de ses habitants (enfin, peut-être pas tous !), sans avoir connu l'Egypte auparavant, de quelque façon que ce soit.
Si j'avais pourtant une critique à formuler sur ce film, ce serait au niveau de la mise en scène, qui n'est pas toujours très cohérente. Souvent très classique, presque dans la tradition hollywoodienne - avec une belle lumière dans les séquences d'intérieur - elle s'égare parfois dans des expérimentations plus modernes pas vraiment réussies, comme pour une scène de manifestation d'islamistes filmée en caméra-épaule très (trop) mobile ou pour une scène de tuerie qui fait un peu mauvaise série américaine... les scènes d'action sont bien moins réussies que les scènes de dialogue ! On dirait que le metteur en scène, Marwan Hamed, est encore à la recherche d'un style cinématographique personnel. Heureusement que de formidables acteurs étaient là pour servir le film.
Quant au livre, je dois dire dès à présent que j'apprécie son style fluide, agréable ; la narration est menée de manière à passer d'un personnage à l'autre dans une certaine continuité sans s'attarder trop longtemps mais avec des détails précis. Les personnages nous sont présentés avec beaucoup de finesse, avec des notes d'humour ou de tendresse, et sans tabou ; on entre dans les détails les plus intimes comme la sexualité et la foi religieuse.
Je voudrais juste citer un passage que je trouve très beau : "Au moment où les enfants dorment, qu'ils ont dîné et remercié leur Seigneur, qu'il reste à la maison assez de nourriture pour une semaine ou peut-être plus, un peu d'argent épargné en cas de nécessité, que la pièce où ils habitent tous est propre et bien rangée, que l'homme rentre, le jeudi soir, mis de bonne humeur par le haschich et qu'il réclame sa femme, n'est-il pas alors de son devoir de répondre à son appel, après s'être lavée, maquillée, parfumée, ne vont-elles pas, ces brèves heures de bonheur, lui donner la preuve que son existence misérable est d'une certaine façon réussie, malgré tout. Il faudrait un artiste de grand talent pour peindre l'expression du visage d'une femme de la terrasse, le vendredi matin, quand son mari descend prier et qu'elle se lave des traces de l'amour puis sort sur la terrasse pour étendre les draps qu'elle vient de nettoyer. A ce moment-là, avec ses cheveux humides, sa peau éclatante, son regard serein, elle apparaît comme une rose mouillée par la rosée du matin qui vient de s'ouvrir et de s'épanouir." (p.24-25)

Lire aussi l'avis de Nath sur le film.