Tsotsi



Genèse de Tsotsi
Le roman d’Athol Fugard, “Tsotsi”, a été publié en 1980 et a intéressé nombre de producteurs à New York et à Los Angeles. Plusieurs scénarios adaptés du roman ont été écrits avant que le producteur Peter Fudakowski ne le découvre, mais jamais aucun montage financier n’avait pu aboutir. Il semble qu’adapter au grand écran une histoire essentiellement basée sur un dialogue intérieur ait paru particulièrement difficile. Le roman “Tsotsi” se situe dans l’Afrique du Sud des années 50 mais dès le début du développement du film il est apparu que les thèmes universels de la rédemption et de la découverte de soi, explorés dans le roman, étaient aisément transposables à l’époque actuelle. Selon Gavin Hood, “En portant “Tsotsi” à l’écran, notre intention première était d’en faire un thriller psychologique bien rythmé et porté par le héros. On voulait également entraîner notre public dans un monde de contrastes radicaux. Gratte-ciels et cabanes, richesse et pauvreté, colère et compassion, qui entrent en collision dans un film s’avérant être une histoire classique de rédemption”.


Origine et signification du mot “Tsotsi”
Le terme “Tsotsi” désigne un délinquant urbain de race noire, un voyou des rues, ou un membre de gang dans le jargon des townships d’Afrique du Sud.
Les tsotsis sont originaires des gangs qui se sont répandus dans les rues du ghetto. Leur histoire remonte aux célèbres gangs des années 30 du township de Soweto, en banlieue de Johannesburg. « Comme c’est souvent le cas dans les endroits désespérément pauvres, les pires éléments se retrouvent sur le devant de la scène, écrit Nelson Mandela dans son autobiographie. Une vie ne valait rien : armes à feu et couteaux faisaient la loi, la nuit venue. Les gangsters, appelés tsotsis, armés de crans d’arrêt, étaient légion. A l’époque, ils imitaient les vedettes des films américains et portaient chapeau mou, costume croisé et cravate aux couleurs vives. Il y avait les grands tsotsis, en costume zazou, et les petits tsotsis, les arnaqueurs. »
Bien que le mot tsotsi évoquait autrefois un gangster glamour, il est plus fréquemment employé aujourd’hui pour de jeunes voyous des rues dont les vies sont loin d’être idéales. Mais une chose n’a pas changé : la plupart des tsotsis sont issus des milieux déshérités. Comme l’écrit Henry Nxumalo : « Sans instruction, sans travail, et sans permis, un jeune est condamné à vivre la nuit et non le jour, et devient un délinquant. Les individus compétents sont frustrés par le peu d’opportunités qui s’offrent à eux : ils se rendent vite compte que la délinquance leur fera gagner plus d’argent que l’honnêteté ». C’est dans ce contexte que naissent les tsotsis… Les tsotsi parlent le tsotsi-taal ou l’isicamtho, l’argot des townships d’Afrique du Sud, savant mélange d’afrikaans et de dialectes locaux tels que le zulu, le xhosa, le tswana et le sotho.
La musique kwaito
Le kwaito est la musique moderne des townships d’Afrique du Sud. Elle est abondamment utilisée dans ce film pour ajouter une note d’authenticité à la vie du ghetto. D’après le South African Concise Oxford Dictionary, le terme “kwaito” viendrait de “amakwaito”, un groupe de gangsters des années 50 originaires de Sophiatown, un township de Johannesburg, qui a emprunté son nom au mot afrikaans “kwaai”, qui signifie “en colère” ou “vicieux”.
Le kwaito est une musique locale typique et profondément ancrée dans la culture jeune de Johannesburg. Il s’agit de chants scandés en rythme sur un accompagnement de basses puissantes. Comme d’autres formes de house music, le kwaito est composé en studio puis donné sur scène ou dans des clubs accompagné de chanteurs en live.
Avec ses paroles très colorées et son beat très marqué, le kwaito reflète parfaitement la culture jeune post-apartheid. On l’entend d’un bout à l’autre du pays, des taxis collectifs aux clubs, des radios aux fêtes privées. A l’instar du hip-hop, il exprime et valide à la fois le mode de vie urbain et moderne chanté en argot des rues, mélange d’anglais, de zulu, de sesotho et d’isicamtho (la version moderne du tsotsi-taal). Le kwaito, qui a fait son apparition en Afrique du Sud courant 90, marie différents rythmes : le marabi des années 20, le kwela des années 50, le mbaqanga-maskhandi, voire la “musique des chewing-gum” des années 80 et le traditionnel imibongo (poésie religieuse africaine). Selon Oscar “waRona Mdlongwa”, D.J. et producteur : “Fin 80, on a commencé à mixer des morceaux de house en leur donnant une petite touche locale. On a ajouté un peu de piano, des percussions et des mélodies africaines et ralenti le tempo.”
Le kwaito est la voix de la colère des townships, qui en parle, les connaît et les comprend.
Le kwaito est un symbole authentique de cette vie revendiquée avec ferveur par la jeunesse d’Afrique du Sud (la moitié des 50 millions d’Africains du Sud a moins de 21 ans). Il a contribué à renforcer l’optimisme et la confiance des sud-africains après l’apartheid, et modifié le paysage culturel pour toujours.
Tsotsi dans le contexte du cinéma sud-africain
Plus de deux mois après sa sortie à Johannesburg, Mon nom est Tsotsi était toujours à l’affiche, preuve du succès incroyable de ce film, qui a fait 400 000 entrées dans son propre pays. Le succès du film s’explique par le prestige de l’Oscar mais aussi par le fait qu’il a attiré un public noir important.
Mon nom est Tsotsi signale l’émergence d’un nouveau cinéma sud-africain, centré sur des sujets sociaux, avec des acteurs locaux qui jouent dans leurs propres langues.
Inexistants sous l’apartheid, des cinéastes noirs commencent à se faire remarquer. Un cinéma sud-africain authentique est en train d’émerger, après des années d’isolement sous l’apartheid, où la production se limitait à des comédies destinées au public blanc, dont le succès international Les Dieux sont tombés sur la tête. Plusieurs films sur la période d’apartheid ont été tournés en anglais, avec des têtes d’affiche internationales, comme In my country avec Samuel Lee Jackson et Juliette Binoche (sur la réconciliation) et Drum avec Taye Diggs. Mais ils n’ont jamais fait d’audience. Même Hôtel Rwanda, avec Don Cheadle, coproduit par l’Afrique du Sud et filmé à Johannesburg, n’a pas eu le succès espéré.
A cet égard, Mon nom est Tsotsi marque une rupture. Les deux gros distributeurs qui dominent le marché et privilégient les grosses productions américaines devront désormais se montrer plus attentifs à la production locale. Ce film devrait aussi ouvrir la voie à un financement public plus conséquent du cinéma local. Même si le cinéma sud-africain est encore embryonnaire (seulement 6 films produits en 2005), le monde a découvert qu’il existe désormais un « talent » sud-africain, également personnifié par l’actrice Charlize Theron, qui a remporté l’Oscar de la meilleure actrice en 2003 pour le film Monster. Signalons encore que l’Afrique du Sud a été choisie comme siège pour accueillir la toute nouvelle Fédération Pan-africaine du cinéma, créée en avril 2006.
Athol Fugard, auteur du roman “Tsotsi”
Tsotsi est le seul roman jamais écrit par le prolifique auteur de théâtre Athol Fugard. Le livre est un dialogue intérieur du personnage principal, qu’une profonde prise de conscience mène à la découverte de sa mémoire et de son humanité.
Athol Fugard est né à Middelburg, en Afrique du Sud, en 1932, fils de parents blancs anglais et afrikaans. Bien que sa langue maternelle soit l’anglais, il se décrit comme un Afrikaner écrivant en anglais.
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