12.9.08

Crooklyn

La Cinémathèque française propose en ce moment une rétrospective Spike Lee : c'est l'opportunité de découvrir des films moins connus de sa filmographie.
C'est dans ce cadre que j'ai pu découvrir Crooklyn (1994), sorti juste après le célèbre Malcolm X (1992). L'un de ses films le plus personnel et intimiste, coécrit avec sa soeur Joie et son frère Cinque, c'est un regard semi-autobiographique sur leur famille et leur enfance, dans les années '70 à Brooklyn. Carolyn Carmichael (Alfre Woodard, c'est l'actrice qui a très récemment joué Betty Applewhite dans les Desperate Housewives !) vit avec son mari Woody (Delroy Lindo), musicien de jazz, et leurs cinq enfants. Cette chronique douce-amère, avec ses instants de joie - jouer dans la rue ou chanter devant la télévision - et de crise - difficulté à élever les quatre garçons turbulants et à joindre les deux bouts - nous est livrée à travers le regard de la jeune Troy (Zelda Harris), fille unique de la famille.
L'ambiance est nostalgique, sans être trop sentimentale, aidée par des extraits télévisés d'émissions et de la musique de l'époque. Certaines séquences auraient dû devenir cultes : celle des haricots blancs qu'un des garçons refuse de manger (black eyed peas, je me demande bien d'où vient le nom du groupe du même nom !) tandis que ses frères et soeur ont droit à un succulent dessert ; celle de la danse langoureuse de deux latinos dans une supérette, devant le regard ébahi de la petite Troy ; celle des disputes avec un voisin blanc excentrique qui vit enfermé avec un troupeau de chiens. On sent que ce sont des souvenirs forts qui sont restés gravés dans la mémoire des enfants, bien que probablement déformés et exagérés par leur regard. Malgré les difficultés de la vie dans ce quartier de Brooklyn, c'est un film chaleureux, qui respire l'amour de part en part.
Néanmoins, il y a une tentative esthétique plutôt râtée dans Crooklyn : Spike Lee a voulu utiliser une technique de stylisation visuelle pour certaines séquences qui ont lieu dans le Sud, chez l'oncle et la tente aisés de Troy. Afin de montrer la perte des repères des personnages dans ce milieu non familier, le cinéaste a tourné les séquences en utilisant un objectif anamorphique. L'image est complètement étirée dans la hauteur, un peu comme si on regardait un film tourné en 16/9e en ratio 4/3. Heureusement qu'un "carton" au début du film indique que c'est une volonté esthétique de Spike Lee, sinon on pourrait croire à un défaut du projecteur ! Mais c'est tout de même intéressant de voir le genre d'essai, de liberté esthétique qu'il a pris pour tenter de livrer les impressions des personnages.

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