La plus belle histoire de l'amour : l'Ancien Régime
L'Ancien Régime : L'ordre sexuel règne (par Jacques Solé)
De 1500 à 1789, lors des trois siècles allant de la Renaissance à la Révolution, l'Eglise et l'Etat collaborent pour imposer un ordre moral sans égal. "La société de l'Ancien régime a, elle aussi, essayé de trouver un compromis entre la nécessité sociale de la reproduction, et le contrôle du plaisir et du sentiment".
Au XVIe siècle règne toujours le mariage chrétien du Moyen Âge, basé sur le consentement mutuel des conjoints. "Mais il va se produire un mouvement contradictoire : d'une part, la Réforme et la Contre-Réforme, aidées en cela par l'Etat absolutiste, vont tout mettre en oeuvre pour réprimer l'amour et la sexualité ; d'autre part, de manière spontanée, les individus vont engager une lente transformation pour développer une nouvelle liberté sentimentale."
D'abord, il faut distinguer la classe aristocratique de la classe populaire, essentiellement paysanne.
Dans le monde des nobles, "les filles continuent à se marier jeunes, comme Juliette épousée à moins de 15 ans par son Roméo. Il arrive ainsi qu'une femme ait dans sa vie jusqu'à vingt naissances." Comme le mariage coûte cher, il est hors de question de choisir son conjoint ; il s'agit plutôt d'un marché qui ne laisse pas de place à l'amour. "Au milieu du XVIIe siècle, on établit même une table des mariages qui fixe le parti à épouser : selon le montant de la dot, on a droit à un marchant, un commis, ou un marquis...". Une vraie transaction ! Les cas d'incompatibilité dans les couples sont évidemment très nombreux, et pour trouver l'amour les conjoints se tournent encore souvent vers l'adultère...
Dans les classes populaires au contraire, à partir de 1550, le mariage devient de plus en plus tardif. "Pour se marier, on attend [...] d'avoir un petit lopin de terre, une qualification professionnelle. Souvent la femme cherche à amasser un petit pécule, elle va se louer à la ville comme servant et économise sou après sou, parfois pendant dix années avant de se lier. Le couple paysan acquiert ainsi une autonomie économique." Du coup, les conjoints se rencontrent "dans un esprit d'équilibre, d'égalité, et l'affectivité joue désormais un rôle dans la formation du lien conjugal". Ce sont donc les paysans qui sont les précurseurs du mariage d'amour.
La contradiction entre l'individu, qui exprime une aspiration très forte à vivre son amour dans le cadre de l'institution conjugale, et la société, dont le discours officiel est que le mariage a pour seul but la procréation, se reflète très bien dans le théâtre de Molière : l'un de ses thèmes majeurs est la relation difficile entre les parents et les enfants qui veulent avoir le droit de se marier librement.
Mais s'il est question de sentiment, il n'est toujours pas question de plaisir charnel. "A cette époque, les chantres des Eglises chrétiennes sont véritablement obsédés par la répression de la sexualité." Les réformes chrétiennes exercent un contrôle social absolu : "Pas de relations sexuelles avant le mariage, pas de violations du mariage ! Les époux ne doivent pas s'aimer comme des amants ! Interdiction de dormir nu (c'est le règne inédit de la chemise de nuit) !". L'Etat bureaucratique de l'Ancien Régime occidental impose lui aussi "une discipline sexuelle, comme il impose une fiscalité." C'est une vaste entreprise de moralisation qui touche toute l'Europe : par exemple, "à Naples, au début du XVIIe, on condamne à mort ceux qui embrassent publiquement une femme mariée" ; "Dans le Londres du XVIe siècle, on punit les prostituées de coups de fouet" ; en France, "sous Louis XIV, toute fille surprise avec des soldats aux environs de Versailles a le nez et les oreilles coupés" ; quant à l'homosexualité, "dans l'Angleterre protestante, Henri VIII édicte la mort par pendaison pour les coupables d'homosexualité, considérée comme un crime de haute trahison...". La Renaissance a donc été moins éclairée et plus inhumaine que le Moyen Âge, et la répression augmente jusqu'à la Révolution.
En réaction aux réformes rigoristes, l'élite réagit par le libertinage dès le XVIe siècle. "Les bals, les fêtes sont une incitation à l'adultère, modèle propagé par le roi lui-même. [...] La liberté sexuelle [...] est considérée comme un privilège aristocratique. [...] On passe ainsi lentement d'un libertinage caché à un libertinage revendiqué. Don Juan en sera la théorisation, Sade en représentant le délire maximaliste et effrayant. Le libertinage est fondamentalement une apologie du plaisir individuel, avec ce qu'il comporte d'asocial. Au XVIIIe siècle, il devient une mode." Mais la Révolution va venir l'abolir...
A suivre... (la Révolution)
De 1500 à 1789, lors des trois siècles allant de la Renaissance à la Révolution, l'Eglise et l'Etat collaborent pour imposer un ordre moral sans égal. "La société de l'Ancien régime a, elle aussi, essayé de trouver un compromis entre la nécessité sociale de la reproduction, et le contrôle du plaisir et du sentiment".
Au XVIe siècle règne toujours le mariage chrétien du Moyen Âge, basé sur le consentement mutuel des conjoints. "Mais il va se produire un mouvement contradictoire : d'une part, la Réforme et la Contre-Réforme, aidées en cela par l'Etat absolutiste, vont tout mettre en oeuvre pour réprimer l'amour et la sexualité ; d'autre part, de manière spontanée, les individus vont engager une lente transformation pour développer une nouvelle liberté sentimentale."
D'abord, il faut distinguer la classe aristocratique de la classe populaire, essentiellement paysanne.
Dans le monde des nobles, "les filles continuent à se marier jeunes, comme Juliette épousée à moins de 15 ans par son Roméo. Il arrive ainsi qu'une femme ait dans sa vie jusqu'à vingt naissances." Comme le mariage coûte cher, il est hors de question de choisir son conjoint ; il s'agit plutôt d'un marché qui ne laisse pas de place à l'amour. "Au milieu du XVIIe siècle, on établit même une table des mariages qui fixe le parti à épouser : selon le montant de la dot, on a droit à un marchant, un commis, ou un marquis...". Une vraie transaction ! Les cas d'incompatibilité dans les couples sont évidemment très nombreux, et pour trouver l'amour les conjoints se tournent encore souvent vers l'adultère...
Dans les classes populaires au contraire, à partir de 1550, le mariage devient de plus en plus tardif. "Pour se marier, on attend [...] d'avoir un petit lopin de terre, une qualification professionnelle. Souvent la femme cherche à amasser un petit pécule, elle va se louer à la ville comme servant et économise sou après sou, parfois pendant dix années avant de se lier. Le couple paysan acquiert ainsi une autonomie économique." Du coup, les conjoints se rencontrent "dans un esprit d'équilibre, d'égalité, et l'affectivité joue désormais un rôle dans la formation du lien conjugal". Ce sont donc les paysans qui sont les précurseurs du mariage d'amour.
La contradiction entre l'individu, qui exprime une aspiration très forte à vivre son amour dans le cadre de l'institution conjugale, et la société, dont le discours officiel est que le mariage a pour seul but la procréation, se reflète très bien dans le théâtre de Molière : l'un de ses thèmes majeurs est la relation difficile entre les parents et les enfants qui veulent avoir le droit de se marier librement.
Mais s'il est question de sentiment, il n'est toujours pas question de plaisir charnel. "A cette époque, les chantres des Eglises chrétiennes sont véritablement obsédés par la répression de la sexualité." Les réformes chrétiennes exercent un contrôle social absolu : "Pas de relations sexuelles avant le mariage, pas de violations du mariage ! Les époux ne doivent pas s'aimer comme des amants ! Interdiction de dormir nu (c'est le règne inédit de la chemise de nuit) !". L'Etat bureaucratique de l'Ancien Régime occidental impose lui aussi "une discipline sexuelle, comme il impose une fiscalité." C'est une vaste entreprise de moralisation qui touche toute l'Europe : par exemple, "à Naples, au début du XVIIe, on condamne à mort ceux qui embrassent publiquement une femme mariée" ; "Dans le Londres du XVIe siècle, on punit les prostituées de coups de fouet" ; en France, "sous Louis XIV, toute fille surprise avec des soldats aux environs de Versailles a le nez et les oreilles coupés" ; quant à l'homosexualité, "dans l'Angleterre protestante, Henri VIII édicte la mort par pendaison pour les coupables d'homosexualité, considérée comme un crime de haute trahison...". La Renaissance a donc été moins éclairée et plus inhumaine que le Moyen Âge, et la répression augmente jusqu'à la Révolution.
En réaction aux réformes rigoristes, l'élite réagit par le libertinage dès le XVIe siècle. "Les bals, les fêtes sont une incitation à l'adultère, modèle propagé par le roi lui-même. [...] La liberté sexuelle [...] est considérée comme un privilège aristocratique. [...] On passe ainsi lentement d'un libertinage caché à un libertinage revendiqué. Don Juan en sera la théorisation, Sade en représentant le délire maximaliste et effrayant. Le libertinage est fondamentalement une apologie du plaisir individuel, avec ce qu'il comporte d'asocial. Au XVIIIe siècle, il devient une mode." Mais la Révolution va venir l'abolir...
A suivre... (la Révolution)
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